35 : La présentation de Percy : Rooting for the Empire.

mai 16, 2021

 Bonjour à tou.te.s,

Les chroniques de Mister Sike deviennent officiellement Les présentations de Percy. Abandon de l'ancien pseudonyme pour un nouveau plus fidèle. Aujourd'hui donc, nouvel article, me pointant du doigt avec véhémence (ou pas). Comme toujours, je lui laisse les clefs ! Mes ajouts sont en bleus et tous vos commentaires sont les bienvenus.

TW : Mention de JKR, du fascisme (nazisme, antisémitisme, racisme).

Rooting for the Empire

Drapeau du Nouvel Ordre dans la saga Star Wars.
Drapeau du Nouvel Ordre dans Star Wars.

Vous savez, je suis quelqu'un d'extrêmement tolérant : quand une de mes très chères amies m'a révélé qu'elle était Serpentard, je l'ai soutenue dans ce voyage vers la méchanceté qu'elle allait inévitablement entreprendre. Et là, vous vous posez peut-être cette question : « Voyons Percy, n'aurais-tu pas pu faire cette blague il y a quelques années, avant que certaines idées de J. K. Rowling ne soient exposées au public ? Et où veux-tu en venir ? ».

Eh bien, il existe un trope (dans le contexte présent, une forme de cliché) nommé « Rooting for the Empire » qui consiste simplement, dans une œuvre de fiction, à être pour les méchants, et je me suis dit qu'il pouvait être intéressant d'en discuter ici.

D'abord, pour clarifier ce qui va suivre, je vais principalement parler de « Rooting for the Empire » dans le cadre où le public soutient les antagonistes plutôt que les méchants : après tout, je pense que très peu de personnes regardent Leverage en espérant que l'équipe se fasse arrêter alors que si on prend un point de vue neutre sur l'histoire, ils sont les méchants. Ensuite, j'ai essayé d'éviter les antagonistes dont la sympathie peut venir du fait qu'ils sont queer-codés comparés aux protagonistes puisque je pense que c'est un autre débat (même si, par exemple, Ursula aurait eu sa place dans cette discussion) et que je suis plus intéressé par ce qui pourrait me faire soutenir un régime fasciste tel que l'Empire de Star Wars. En parlant de la Guerre des Étoiles, on arrive sur mon premier axe de réflexion.

L'Empire, ou l'exemple typique

Star Wars est une franchise multimédia ayant débuté en 1977 avec Star Wars IV : Un Nouvel Espoir. On y suit un paysan qui recrute de la racaille pour sauver un vestige de la monarchie. Le méchant dans ce film (et de la saga) est l'Empire, un vaste conglomérat qui s'étend sur une énorme partie de la galaxie. Normalement, vous avez vu le film ou le zeitgeist culturel (ou imaginaire collectif, ndlr.) vous a donné assez d'informations pour savoir que mon résumé est mauvais mais pas incorrect.

Donc pourquoi pourrions-nous être pour l'Empire ? Ne répondez pas, je ne peux pas vous entendre. Déjà d'un point de vue visuel, l'Empire a quand même beaucoup plus la classe et une certaine élégance que les rebelles avec leur casques ridicules. Bon, certes le style vestimentaire c'est un détail. Par contre, ce qui est moins anecdotique est la capacité à diriger et sur cet aspect l'Empire est objectivement un meilleur gouvernement que la République qui vient avant et celle qui vient après. Résumons la République qu'on nous présente dans la prélogie : une organisation corrompue dont l'ordre est contrôlé par un ordre religieux fanatique qui arrache des enfants à leurs familles pour en faire des enfants soldats. De plus on sait que la République tolère l'esclavage dans des planètes comme Tatooine. Certes, j'ai choisi de représenter l'Ordre Jedi de la pire façon possible, mais je n'ai rien exagéré. Anakin, à l'âge de 9 ans, est considéré comme trop vieux pour rejoindre l'Ordre Jedi, indiquant qu'il arrache des enfants encore plus jeunes à leurs familles, leurs interdisent de voir leurs parents car ils ne doivent avoir aucun lien émotionnel et les entraînent au combat pour qu'ils puissent maintenir la paix. Et ce culte est responsable de l'ordre et de la sécurité de la République. On a tendance à voir les Jedis comme cools mais imaginez être un parent dont l'enfant vous est enlevé par un ordre religieux suite à un test sanguin. Passons désormais à la République qui vient après. Après la défaite de l'Empire, la Nouvelle République s'est retrouvée incapable d'assurer l'ordre dans d'innombrables planètes et, sans la présence impériale, on peut observer l'anarchie et le chaos un peu partout. La Nouvelle République est tellement incompétente que seulement 30 ans après sa victoire comme l'Empire, le Premier Ordre devient la première puissance de la Galaxie. Imaginez si 30 ans après la prise de Berlin, le nouvel ordre Nazi avait conquis l'Europe entière. Ce qui est clair, c'est que la Galaxie a besoin d'ordre et de stabilité, et l'Empire peut offrir ceci puisqu'il s'est installé en mettant fin à une guerre puisque la République s'est montré incapable de terminer... après il faut nuancer ce que je viens de dire en rappelant que l'extrême majorité des problèmes que l'Empire règle (comme la guerre contre les Séparatistes) sont des problèmes de sa propre création. De plus, une des raisons pour laquelle on peut être tenté de défendre le gouvernement autocrate dirigé par un sorcier maléfique de l'espace est que, comparé aux gouvernements fascistes dans notre monde, l'Empire est très flou sur sa politique en dehors de la nécessité de l'ordre. À notre connaissance, il n'est pas aussi ouvertement homophobe, antisémite et raciste que le gouvernement nazi, ou la plupart des mouvements prônant les « valeurs traditionnelles »,  par exemple. Enfin, même s'il peut être amusant de faire l'avocat du diable (et on peut faire le même exercice avec Sauron), je pense que personne ne regarde les films en espérant que Luke, Han et Chewbacca se retrouvent face à un peloton d'exécution. Ce qui me mène vers mon deuxième exemple.

Dracula, ou quand la popularité du méchant éclipse celle des gentils

Affiche du film Horror of Dracula.
Le cauchemar de Dracula, 1958.

Ok questions flash sur Dracula : Êtes-vous capable, sans Google, de me dire qui est Arthur Almwood, Lord Ruthven, Quincy Morris et Lord Godalming ? Je suppose que la plupart d’entre vous ignorent qui sont ses personnages, que j’ai cité deux fois un des personnages et que Lord Ruthven n’est même pas dans Dracula (il vient de Vampyre de Polidori). Pourtant Arthur Almwood et Quincy Morris sont deux des protagonistes de Dracula. Je suppose que quand je vous dis que la popularité de Dracula a complètement écrasée celles des personnages principaux. Vous devez être devant votre ordinateur en train de vous dire : « Mon dieu, brillante déduction Hercule Poivrot ! », mais Poivrot vous demande patience mes ami·e·s, car Poivrot a encore quelque chose à dire. Dans le roman original de Brahms Stocker, le comte Dracula n’a rien de séduisant, sexy, ne ressemble pas à Christopher Lee (ou Gerard Butler, selon vos préférences) et n’est pas très présent dans l’histoire. L’image du vampire sophistiqué et séduisant est beaucoup plus présente dans Vampyre de Polidori pour comparer avec une autre œuvre du même siècle. Le comte dans le roman de Stocker est brutal, cruel et animal et tout est fait pour opposer les héros civilisés et modernes à la menace mystique et d’un autre temps que représente le vampire. En effet, les héros qui utilisent la pointe de la science de l’époque (phonographe, machine à écrire portable et transfusion de sang par exemple) sont l’élite de la société « moderne » (docteurs, notaires, etc.) et ils sont confrontés par un monstre d'anciennes légendes. Et dans cette opposition peut naître de la sympathie pour la figure du monstre. Je pense que ce n’est pas un scoop de dire que certaines personnes, par leur simple existence, ne rentrent pas dans les codes imposés par une société et donc il est plus facile parfois de s’identifier au monstre, qui s’oppose à ces codes, plutôt qu’à des héros qui les représentent et défendent. C’est particulièrement facile pour Dracula car, soyons honnêtes, l’Angleterre Victorienne n’est pas le parangon de la civilisation qu’elle pensait être, surtout pour nos yeux modernes. Ce que je dis pour Dracula, et les vampires en général, s’appliquent pour tous les monstres : on peut reprendre par exemple la figure de la sorcière pour en faire une figure féministe. Et justement, pour aller plus loin, je vous encourage à questionner et creuser votre interprétation des monstres du folklore. Il y en a sûrement au moins un pour laquelle vous avez de la sympathie, peut-être même que vous vous identifier à celui-ci; et ce que cela dit sur vous mérite d'être exploré.

Conclusion, oui, il m’a fallu 1322 mots pour dire une évidence. 

Il est temps de fermer cette parenthèse en expliquant pourquoi j’ai décidé de parler de méchants. L’idée m’est venue quand je me suis rappelée que des gens pensaient que Thanos (le Titan Fou, je le rappelle) avait raison. Je pense que ça en dit énormément sur la personne et à quelle point sa vision du monde est défectueuse. Mais au-delà de ça, tout est politique et même derrière une simple histoire de vampire comme Dracula, on trouve une défense de la société victorienne face au monde d’avant ; et lorsque nos propres opinions politiques sont confrontées à celles d’une œuvre. Parfois, on recontextualise les conflits au sein d’une histoire, nous poussant à la lire différemment, même des œuvres extrêmement manichéennes telles que Star Wars et Dracula). Mon but était donc de lancer la discussion sur les méchants pour lesquelles vous avez de l’empathie, voire envie de défendre, et par cette occasion essayer de questionner ce que cela dit sur vous. Donc n’hésitez pas à poster en commentaire vos opinions et je vais donc remettre la plume de ce blog à sa propriétaire légitime.

Percival Artemis Manning

Lorsque Maxxie demanda les pronoms de Percy, elle eut comme seule réponse un discours interminable de 3 heures, sans entracte, sur l'importance de demander les pro-oui plutôt que les pro-non. Parmi les arguments incompréhensibles, on pouvait retrouver « Car il est facile d’être contre la guerre, mais il est beaucoup important d’être pour la paix ». C’est donc après avoir été puni pour avoir fait objectivement la bonne chose que Maxxie décida de ne jamais augmenter le monstre écrivant ses propres biographies qu’est Percival Manning.

PS : Les pronoms de Percy sont any/all ; plein d’amour cher·e·s lecteur·ice·s

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11 commentaires

  1. Mieux vaut pas que je t'avoue que mon frère est pro Empire du coup 😂 Les méchants, c'est tout de même assez attirants, mais tout dépend lesquels ! Par exemple, si tu regardes "Sons of Anarchy", ils sont pas très sympas, avouons-le, mais tu n'as pas envie qu'ils se fassent arrêter par les gentils flics lol

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    1. Je pense que quand des personnages sont des protagonistes, on est un peu automatiquement pour eux. Si on prend Ocean's Eleven par exemple le pitch de départ c'est un type qui décide de braquer le nouveau copain de son ex mais vu que c'est le protagoniste on est pour lui (et l'histoire n'est pas raconté comme je l'ai résumée). C'est pour ça que j'ai fait le choix d'éviter les films/séries/romans de braquages, mafia ou criminels même s'ils ont leur place dans la conversation.

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  2. Un article super intéressant ! Et honnêtement, je me pose maintenant la question d'à côté de quel méchant je pourrais être... J'y réfléchis !

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  3. J'aime beaucoup ! Alors, moi et les méchant·es, ça dépend. Je peux avoir de l'empathie plutôt pour celleux qui ont des raisons d'être méchant·es (par exemple, Drago Malfoy, ça vient de son éducation, notamment, Killmonger dans "Black Panther", etc.). Ça ne veut pas dire que je cautionne leurs actes, mais disons que je comprends. En revanche, le méchant dans le premier "Millenium", même si ça s'explique par certaines choses, impossible d'avoir une once d'empathie. Donc, s'il me faut comprendre le choix de leurs actes, ça dépend ensuite à quel moment on les rencontre : ont-iels déjà commis des crimes atroces ? Si oui, ce crime est-il gratuit ou se justifie-t-il dans sa vision du bien ? Etc.
    Bon, la question est compliquée, quand même ! Mais bon, d'une façon générale, si je comprends les méchant·es, les antagonistes, je suis quand même rarement de leur côté.

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    1. Killmonger je trouve est un excellent exemple d'un "méchant" d'où on peut être pour sa cause (à défaut de ses actions). C'est même, dans le cas de Killmonger, une volonté du film puisque T'challa concède qu'il a raison et que les traditions de ses ancêtres avaient tort.
      Après j'ai essayé d'éviter de prendre ce genre de méchants comme exemple car je trouve plus drôle d'extrapoler des arguments pour défendre les méchants objectifs comme l'Empire.
      Néanmoins je me rend compte avec le recul et ton commentaire qu'il manque un axe à ma présentation...je réglerai ça dans Rooting for the Empire 2 : the revenge of the reckoning

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  4. Je suis plutôt team gentil j'avoue

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  5. Mon exemple ce serait Peaky Blinders, parce que ce sont quand même des mafieux truands, et pourtant... on adore ^^ Après les antagonistes sont souvent appréciés, surtout chez les superhéros (tu parlais de la compréhension des actes de Thanos, c'est un peu extrême ahah), mais je pense par exemple à Loki, Magneto ou même Deadpool dans un autre genre. Et les Avengers ont quand même un peu exploité cette branche avec le combat entre Iron Man et Captain America aussi. Qui sont les gentils, les méchants ? Merci pour cet article intéressant !

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    1. Je pense que si on prend le point de vue de Magneto ça peut être dur de condamner sa violence quand on voit sa lutte comme une contre l'extinction des mutants. Après je trouve que ma sympathie pour Magneto et Loki, et pour les personnages de comics en général, est extrêmement liée à leur traitement : Quand dans l'univers Ultimate, Magneto est un cannibal (car les humains sont à lui ce que les vaches sont aux humains...ce n'est pas une blague ou une exagération) je n'ai absolument aucune sympathie pour lui.
      Après dans le cas de Civil War le méchant reste tout de même Helmut Zemo même si sa critique des super-héros dans cet univers est assez vraie

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  6. J'adore ta réflexion !! Bon, je suis team Poufsouffle perso, mais là où je ne critique pas Serpentard, c'est parce que je n'aime pas trop cette idée de "Serpentard = le mâââââl" obligatoirement. Bonne réflexion sur Star Wars, j'y avais jamais réfléchi et c'était super intéressant ^^ Pour ce qui est de Thanos, sans forcément être pour lui parce que bon, il était un poil extrémiste, c'est dur de contester le fait que la surpopulation est à l'origine de pas mal de problèmes ! Après, là où j'aime bien les méchants, c'est parce que pour moi, une bonne histoire veut dire un (anti-) héros ET un méchant intéressants ; et ce que je préfère, c'est justement les oeuvres qui montrent que la distinction bien/mal est floue et que certains arguments méritent empathie, critique, réflexion. Si je dois donner un exemple, je dirais La Guerre du Pavot, où l'héroïne vire doucement vers la violence et la vengeance au point que si on devait la classer, on aurait du mal. J'adorerais écrire un roman où on suivrait le méchant :3

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    1. La rédactrice de ce blog m'a interdit d'être méchant gratuitement avec Poufsouffle donc je vais juste être gratuitement passif-agressif. Néanmoins plus sérieusement je suis conscient que les serpentards ne sont pas tous des méchants en puissance dans les romans...dans les films par contre...
      Après pour Thanos son point de vue est bancale dès le début. On gâche plus de la moitié de la nourriture qu'on produit, on produit assez de nourritures(pour la consommation humaine) pour nourrir plus de neufs milliards de personnes, il y a plus de maisons et d'appartements vides dans les pays "développés" que de SDF et les théories comme quoi les populations vont exploser et qu'il y aura des famines massives viennent de Malthus un économiste du 18ème siècle dont les théories ont été prouvées fausses il y a plus d'un siècle. Le problème n'est pas et n'a jamais été l'abondance des ressources mais leur répartition.

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  7. Ah mais c'est trop bien cet article, vive les méchants !!!!!

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Les textes et photographies sont la propriété intellectuelle d'A.S., connue ici sous le pseudonyme de Maxxie.

Le portrait est un dessin de Lise, merci beaucoup ♥