Observer et réfléchir. |
(mentions : viol, sang, agression.)
J’ai utilisé une dichotomie fille/garçon tout au long de l’article, et j’en suis désolée camarades non-binaires. Cet article est le fruit de recherches préliminaires pour mon mémoire d’enseignement.
Il était une fois une jeune femme, jolie et bête, qui n’existait que pour mettre en valeur le héros de l’histoire.
La littérature de jeunesse se tourne de plus en plus vers des ouvrages féministes, où les filles sont mises en valeurs, les Histoires du Soir Pour Filles Rebelles d’Elena Favilli en est un bon exemple. Cependant, ce n’est pas le cas de toute la littérature jeunesse, ou même des contes. La plupart de ces histoires (patrimoniales ou non) sont, en substance, tout ce que la société patriarcale a instillé dans l’esprit collectif depuis des siècles.
Les personnages masculins s’offrent une visibilité et une indépendance qui est montré comme une faute sous des traits féminins. Un garçon qui part à l’aventure avec un inconnu commencera un voyage initiatique alors qu’une fille sera certainement soumise à une agression (généralement sexuelle, merci à la métaphore du viol et du sang dans Le Petit Chaperon Rouge). Dans la littérature de jeunesses, très souvent, les attentes sont genrées et délimitent déjà le champ des possibles des personnages.
Le masculin est représenté comme fort, courageux, indépendant quand le féminin est représenté doux, attentif et prévenant. La femme doit être belle, jolie, bien habillée, quand l’esprit de l’homme est mis en valeur. Ce traitement se retrouve également à l’école, dans les attendus et la possession de l’espace : les garçons vont être plus présents dans l’espace physique, être « au centre » de la classe, de la récréation, parler plus, intervenir, vouloir faire rire les camarades, être sollicités dans la découverte et l’explicitation de notions nouvelles alors que la fille va être être relayées aux extérieurs, à une parole moins sollicités et moins tentée, aux bords de la cour, à la restitution de connaissances déjà vues en classe. Un garçon sera considéré comme énergique ou allant droit au but lorsqu’une fille sera considérée comme brouillonne et fainéante.
De même, un héros et une héroïne, aux delà des caractéristiques, n’auront pas les mêmes buts, les mêmes objectifs. La petite fille n’est pas réellement l’héroïne de sa propre histoire, elle est futile, aide à la cuisine, n’apparaît qu’en soutient d’un personnage masculin. Elle est fille, sÅ“ur, mais ne semble pas être un personnage à part entière alors que le petit garçon va prendre toute la place dans son histoire, se battre, être fort et prendre des décisions qui vont altérer le cours de l’histoire, de son histoire.. C’est lui qui décide de ce qui va lui arriver alors que la figure de la fillette se laisse plus aller (ou se rebelle mais ne fait que des erreurs Les Malheurs de Sophie).
Cette construction est symbolique et intégrée, mise en avant par les médias, les publicités, l’Homme en règle générale. Comme l’a écrit Simone de Beauvoir, les prétendus instincts féminins (la coquetterie, la docilité) ne sont que constructions, liés à la volonté de l’homme d’écraser la femme.
J’entends déjà poussé de grands cris. Je parle ici de la construction patriarcale, issue d’une masculinité qui écrase également de nombreux hommes par l’injonction du virilisme à toutes épreuves. Cette construction est internalisée, par tous, que l’on s’en rende compte ou non, ce qui explique aussi pourquoi, certaines personnes se considérant comme woke, ne le sont jamais vraiment totalement. Une déconstruction prend du temps, énormément. Cette image est inscrite si profondément en nous, ce sexisme est dissimulé dans tellement de strates différentes de notre édifice social et culturel qu’il est difficile de voir, en intégralité, la taille de l’iceberg que nous affrontons au quotidien.