36. La Présentation de Percy : The Patron Saint of Suicides, ou la place d’un twist dans une histoire.

août 04, 2021

Bonjour à tou.te.s !
 
Percy a patiemment attendu que je poste un article avant que je poste le sien mais soyons honnêtes, l'écriture n'est toujours pas au programme de ce côté du clavier. Je vous propose donc un second article rédigé par mon meilleur (et unique) guest-writer. Attention, les spoilers sont assez nombreux, préparez-vous ! Bonne lecture ! 
 
TW :  Meurtres, sang, mention de terrorisme, fusillades, et autres du même acabit.

 
J’ai été récemment invité par mon bon ami le docteur Lenoir à une fête à son manoir. Je vous rassure, il habite à moins de 10km de mon humble demeure et, vu que le Révérend Vert ne pourra pas venir et que le bon docteur va définitivement se faire assassiner, nous serons bien entendu moins de six. J’ai donc pensé, moi le grand Professeur Percival Artemis Manning Violet, que c’était l’occasion parfaite de faire le point sur les mystères, les twists et autres grandes révélations.
 

I. Les mystères et leurs principales règles.

Image du jeu Clue / Cluedo avec des personnages debouts côtes à côtes
 
Normalement vous avez vu, ou lu, au moins un mystère dans votre vie que ce soit les épisodes de Poirot avec David Suchet ou encore lors d’après-midis chez vos grands-parents à regarder Arabesque. Vous comprenez ici que je parle principalement de « Whodunnit » (« qui l’a fait » en anglais). La structure de ces derniers en général est très simple : quelqu’un est assassiné et un détective se charge de l’enquête. À la fin de celle-ci, le ou la détective explique exactement ce qui s’est passé, en contextualisant les différents indices. Un exemple moderne de Whodunnit est le très bon film Knives Out (ou À couteaux tirés en français), que je recommande si vous ne l’avez pas vu. Si je parle de structures ici, c’est principalement car j’ai envie de parler de règles. Pour qu’un mystère soit intéressant et la réponse à celui-ci satisfaisante, il faut que le whodunnit soit honnête. En 1928, l’écrivain Ronald Knox a érigé un décalogue qui était, pour lui, les règles inflexibles que devait respecter un mystère. Alors aujourd’hui, presque cent ans plus tard, toutes ses règles ne sont pas, à mon avis, à suivre à la lettre mais je vais résumer et reformuler celle qui sont non négociables pour en faire donc les commandements divins de Manning :
 
1. Le criminel doit-être quelqu’un mentionné plus tôt dans l’histoire, mais ne doit pas être quelqu’un dont le lecteur a accès aux pensées. 
2. La magie, ou science tellement avancée qu’elle sert un usage similaire, ne peut pas être utilisée dans la réponse au mystère sans avoir été introduite et présentée aux lecteurs plus tôt dans l’histoire (Par exemple, la magie est une explication raisonnable et acceptable dans le monde de Dresden, pas celui de Sherlock Holmes).
3. Le nombre de passages secrets et leur existence doivent être raisonnable dans le lieu où il se trouve (Un tunnel secret dans un vieux bar américain datant de la prohibition est logique, cinq pièces cachées dans un appartement de 10 moins).
4. Ce qui permet au détective de trouver le coupable doit être plus conséquent qu’une simple intuition.
5. Le détective ne doit pas avoir commis le crime lui-même.
6. Le détective ne peut pas utiliser des indices qui n’ont pas été révélés au préalable aux lecteurs.
 
Nous avons donc six règles. Ces règles sont à mettre en place pour une raison simple : un·e lecteur·ice/spectateur·ice attentif·ve doit être capable d’élucider le mystère avant l’explication du détective. Le non-respect de celle-ci peut rendre le Whodunnit insoluble et donc insatisfaisant. C’est comme une énigme : imaginez que je vous pose « Qu’est ce qui fait la taille de la Tour Eiffel mais est infiniment plus léger ». Normalement si je vous donne la réponse « Son ombre » vous serez relativement satisfait·e·s par cette réponse, mais si je vous réponds « une tour Eiffel mais construite dans un métal infiniment plus léger »n votre réaction sera plus proche du lynchage en place publique. 
 

II. Le twist et les faux-pas à éviter.

Un twist est un retournement de situation qui arrive en général à la fin d'une histoire. Je dis en général car il existe des twists qui se situent en milieu d'histoire, et là leur rôle est plus pour redéfinir les enjeux de l'histoire (Gone Girl et Ravenous en sont d'excellents exemples), et d'autres twists se situent sur la piste de danse. Je vais me concentrer sur ceux qui concluent une histoire car, c'est surtout ce dont j'ai besoin de développer pour ma troisième partie. Pour moi,, un bon twist doit respecter plusieurs règles et en tant que personne qui n'a rien écrit sauf un roman de 300 pages dont le plus grand compliment fut que les lettres étaient dans le bon ordre la plupart du temps, je vais partager mon expertise : 
 
Aon) Le twist doit être raisonnablement prévisible.
 
Pour qu'un retournement de situation fonctionne, il faut que la situation en question et ses enjeux soient clairement établis. Il y a donc un nombre limité de conclusions logiques que votre histoire peut avoir et le twist doit en faire partie. Un bon moyen de mesurer cela est de réunir dix de vos amis. Si vous n'en avez pas, kidnappez des sans-abris ou des orphelins, personne ne remarquera leur disparition. 
 
L'équipe juridique de Maxxie insiste qu'il s’agît d'une boutade. Nous n'encourageons aucune forme de rapt et nous espérons que l'amende pour stationnement interdit devant un orphelinat que Percy a déclaré comme frais professionnels est une coïncidence. 
 
Racontez à ce panel votre histoire avec tous les détails importants de l’intrigue ainsi que les principaux thèmes que vous cherchez à développer. Après votre présentation, demandez-leur ce qu’ils pensent être le (ou les) retournement(s) de situation qui va (vont) arriver à la fin de votre histoire. Pour moi, la situation optimale est obtenue quand environ la moitié des gens demandés arrivent à deviner le twist. Après si les dix personnes le devinent alors celui-ci est peut-être trop évident et faut probablement retravailler un peu la structure de l'histoire. Si trois personnes le devinent, ça devrait aller mais il faudra que l'exécution de celui-ci soit en béton. Si personne ne devine le twist, il faut à tout prix reprendre votre histoire. Après cette échelle a des subtilités selon le background des dix personnes réunies, mais ce qu'il faut retenir avec cette échelle c'est comme sur celle de Kinsey : c'est au milieu qu'on s'amuse le plus. Aussi les deux extrêmes ne sont pas équivalents : un twist que tout le monde voit venir est toujours mieux qu’un qui arrive comme une envie de se soulager le matin. Je développerai cet argument un peu plus tard mais avant ça je vais mettre en avant une seconde règle.
 
Dha) Le twist doit fonctionner dans la diégèse de l'œuvre mais aussi thématiquement.
 
La première partie de cette règle est une évidence et je vais juste expliquer un peu le vocabulaire avant de passer à la seconde partie. Pour ceux qui ignorent ce que cela veut dire, « diégèse » est un mot qui désigne l’univers d’une fiction (c’est-à-dire tout ce qui existe au sein de celui-ci et pas seulement ce qu’on nous montre). Tout élément d’une fiction doit fonctionner dans sa diégèse donc par conséquent, le twist aussi. Pour donner un exemple extrême, dans un Poirot, vous ne verriez pas venir le twist que le coupable est en fait un Bonhomme de neige alien de Vénus… car c’est de la merde et cela ne fonctionne pas avec l’univers établi.
 
Néanmoins, la simple cohérence à l’univers ne suffit pas. Prenons un exemple concret : Le Seigneur des Anneaux se concluent par la défaite du terrible Sauron (désolé de divulgâcher une trilogie de romans vieille de 66 ans). Il n’y a pas réellement de twists dans cette histoire : les gentils gagnent et les méchants perdent. Néanmoins d’un point de vue cohérence de l’univers, la victoire de Sauron fait sens : c’est un puissant être surnaturel avec une gigantesque armée, très bien équipée, contenant d’autres puissants êtres surnaturelles qui affrontent principalement des humains, qui ont parfois des chevaux. Par contre que raconte en soit le Seigneur des Anneaux ? Ce que nous raconte John Ronald Reuel Tolkien est comment les forces du bien, en s’unissant autour de valeurs d’honneur, de bravoure et d’amitié, peuvent conquérir tous les maux. Une victoire surprise du méchant ne fonctionne pas avec ce qu’on nous raconte. Et l’exemple du Seigneur des Anneaux met en évidence une autre règle qui est pour moi la plus importante. 
 
Trì) Le twist doit être utilisé que lorsqu'il est nécessaire à l'histoire.
 
Voilà pour moi le cœur de ces règles. Lorsque vous écrivez une histoire, l’important n’est pas la destination mais le voyage. Vous allez peut-être répliquer que la conclusion d’une œuvre est la dernière note que le spectateur absorbe et donc cette dernière impression va beaucoup marquer son avis. Je le concède mais une conclusion qui fonctionne thématiquement met en avant ce qui vient avant. De plus, l’impact de cette dernière impression rend encore plus indéfendable de faire un twist pourri qui, vu que c’est ce qui va rester au spectateur, ruine tout ce qui a été bâti avant. Et parfois la meilleure conclusion est de ne pas mettre de twists. Prenons un exemple de films qui choisit de se terminer par de l’ambiguïté plutôt qu’un twist : Blade Runner (désolé de divulgâcher un film vieux de 39 ans). Dans ce film, Harrison Ford incarne Rick Decard, un flic du futur dans le Los Angeles du futur (quoique l’histoire du film se déroule en 2019 donc techniquement c’est un film historique) chargé de chasser des androïdes nommés replicants hors la loi. Lors de sa traque, il est confronté à l’humanité de ses êtres « factices », normalement dépourvus de sentiments et d’empathie au point qu’ils semblent plus humain que Decard. Cela culmine à la fin du film quand le chef des androïdes, Roy Batti, sauve Decard et dit un désormais très célèbre monologue sur la beauté de la vie et l’éphémérité de l’existence. Au fil du film, on a plusieurs indices qui pourraient laisser à penser que Decard est lui-même un replicant, mais le film se conclut sans réponse explicite à ce sujet. Après mon résumé du film, vous comprenez qu’il y a une grande différence entre la fin ambigue que l’on a et un twist comme quoi Decard était un robot tout du long. L’ambiguïté envoie le message que la frontière entre humains et androïdes est tellement fine que Decard pourrait (tout aussi) bien être un replicant. Le twist par contre ne fonctionnerait pas thématiquement : tout le travail d’humanisation de Roy Batti et son groupe n’est plus comparé à un personnage qu’on nous présente comme humain, mais comparé à un autre replicant. Le message deviendrait donc « Ces robots pas faits pour tuer sont quand même vachement plus empathiques que cet autre robot fait pour tuer ». La présence d’un twist, même un qui peut paraître justifié, comme dans le cas de Blade Runner, ne rend pas automatiquement l’histoire plus forte. Il faut absolument voir une œuvre d’une façon holistique, : est-ce que ce que je raconte justifie le retournement de situation et est-ce que celui met en avant ce que je raconte.
 
J’insiste sur ces points car bien terminer une histoire est important. Regarder le nombre de personnes qui disent qu’elles ne regarderont pas à nouveau Games of Throne après le final décevant. À la fin d’une histoire, un bon twist doit vous donner envie de réexpérimenter cette histoire avec la conclusion en tête. Prenons Sixième Sens (le film de Shyamalan pas l’adaptation de Dragon Rouge…et désolé de divulgâcher un film vieux de 21 ans), savoir que Malcolm est mort depuis le début vous rend plus attentif à certains éléments comme le fait que personne ne réagit vraiment à sa présence. Et justement la possibilité d’offrir au spectateurs·rice·s une expérience nouvelle à un second visionnage justifie définitivement un twist mais il faut prendre garde à ce que ne ruine pas tout futur visionnage. Et on arrive donc au sujet de cet article.
 

III. The Patron Saint of Suicides ou oui j’ai mis le temps avant de parler de ce qui donne son nom à l’article.

Poster du podcast : Patron of Saint Suicide
 
The Patron Saint of Suicides est un podcast créé par Alex Dolan et dont le premier épisode a été publié le 03 août 2020. Je me doute qu’il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais entendu parler de ce podcast. Après tout, il est en anglais, pas tout le monde consomme autant de podcasts que ma personne et l’absence d’une page Wikipédia me laisse penser qu’il n’est pas si connu que ça. C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai choisi : le fait que vous n’avez probablement pas écouté cette œuvre, et que vous n’alliez probablement jamais le faire avant cet article, justifie un peu pour le salut de mon âme de tout divulgâcher. Accessoirement votre manque de recul me permet aussi d’imposer mon avis et mes interprétations comme des vérités objectives ce qui est délicieux pour mon égo.
 
The Patron Saint of Suicides est un podcast classifié « Affaires Criminelles » sur Spotify et « Crime Thriller » sur le site officiel. Résumé : À San Francisco, il y a quelques années, il y eu un braquage dans un train qui dégénéra en fusillade. De nombreuses personnes furent blessées, physiquement ou émotionnellement, et quelques personnes perdirent la vie ce jour-là. Dans le présent, la police n’a jamais attrapé les coupables mais ceux-ci semblent se suicider les un après les autres en s’agenouillant face à des trains. Dans ce contexte, on suit deux protagonistes : 
 
• Haven Otomo, une comique de stand-up et survivante de ce braquage. Sa narration est à la première personne et on la suit essayer de reconstruire sa vie. En plus d’aller à un groupe de soutien pour les survivants de l’accident, elle va régulièrement sur le Golden Bridge pour décourager les gens qui comptent se suicider. 
 
• Détective Victor Blossem, le policier qui enquête sur les « suicides » et sa narration est à la troisième personne.
 
Personnellement, j’avais trouvé le pitch de départ plutôt intéressant et c’est pour ça que je lui avais donné sa chance et donc marathoné le podcast. Avant de discuter de la conclusion qui m’a énervé au point d’écrire un article entier sur l’importance de faire une fin qui fonctionne, je vais parler de pourquoi j’étais investi dans le podcast. Déjà, le jeu d’acteur est excellent, les personnages sont intéressants et complexes et le mixage sonore est impeccable (croyez-moi ce n’est pas le cas de tous les podcasts). De plus, le jeu sur les deux narrations aide vraiment à s’impliquer dans l’histoire : la narration de Haven est beaucoup liée ce qu’elle traverse intérieurement, son ressenti et ses émotions. Vu qu’on est dans la tête d’Haven, on s’attache très rapidement à elle et c’est un personnage assez sympathique pour que l’on est envie de suivre ses pensées, même anecdotiques.
 
La narration à la troisième personne pour toute la partie enquête aide, quant à elle, à avoir un point de vue beaucoup plus objectif sur l’investigation. Cela aide aussi à caractériser Blossem : il est beaucoup plus renfermé et moins émotionnel que Haven et donc sa narration est plus froide et distante. Sa narration. est plus intéressée par les faits matériels que les états émotionnels des personnages, ce qui reflète le personnage de Blossem. Et là, ça marche particulièrement quand Haven et Blossem sont dans la même scène. Nous sommes investis dans ces deux personnages pour des raisons différentes, et quand Blossem fait revivre à Haven ce qu’elle a vécu sur le train (la mort de son nouveau compagnon et de son fils), on sait pourquoi c’est important pour l’investigation d’interroger chaque survivant mais l’attache que l’on a pour Haven rend la scène particulièrement dure et émotionnellement chargée.
 
Il y a donc du bon dans ce podcast et même du très bon…puis les personnes responsables de celui-ci ont décidé de tout ruiner. Mesdames, Messieurs et Personnes non-binaires ; nous entrons dans la dernière ligne droite. Notre destination ? Un espace de conclusion et de finalité, où les débuts se terminent à jamais. Cette espace ? La dimension spoiler.
 
Dans le dernier épisode nous avons le droit à deux révélations : Haven Otomo est la tueuse derrière les « suicides » et Blossem l’a deviné (et le moment où Blossem devine qu’Haven est la tueuse est ambigu, mais j’en parle plus tard) mais décide de la laisser libre car il est obsédé par l’idée que les mauvaises personnes soient punies depuis la mort de sa femme.
 
Alors cette fin ne fonctionne pas du tout. Déjà je rappelle la règle numéro 1 des commandements divin de Manning : « Le criminel doit-être quelqu’un mentionné plus tôt dans l’histoire, mais ne doit pas être quelqu’un dont le lecteur a accès aux pensées ». On entend toutes les pensées, aussi anecdotiques soient-elles, de Haven : elle mentionne la couleur du chapeau de la personne avec qui elle a un rencard mais apparemment elle ne pense pas une seule fois aux meurtres qu’elle est en train d’activement préméditer. Dans un épisode en particulier, elle ne craint pas du tout non plus que la police regarde son portable, sur lequel il y a des preuves qu’elle est la meurtrière, alors qu’il a été confisqué pendant qu’elle se faisait interroger. Cette révélation ruine plus que ça : le fait que l’on apprenne que dans l’épisode 11 (sur 14) que Haven a perdu son fils dans la fusillade est justifié car, si elle essaie d’aller de l’avant, c’est assez logique qu’elle évite activement d’y penser…mais ça a tout de suite moins de sens quand sa mort a, en réalité, motivé toutes les actions de Haven. En plus Haven a apparemment des alibis pour plusieurs meurtres car, en fait, elle a deux complices qui sont des personnages extrêmement secondaires, presque jamais mentionnés. Donc, au final, j’aurais pu surligner toute ma règle en violet. Et il y a peut-être des petits malins qui vont me dire qu’il y a un Poirot où le narrateur est le tueur. Certes, mais dans le Meurtre de Roger Ackroyd (désolé de divulgâcher un roman vieux de 95 ans) on n’a pas accès aux pensés du tueur mais à son journal qui existe à l’intérieur de l’histoire ; et Poirot utilise justement les inconsistances de la narration que l’on a lu pour élucider le mystère. Là, dans le cas de Haven, c’est juste de la triche. Et Noël n’est pas fini puisque l’autre partie du twist est tout aussi stupide. On nous présente Blossem comme quelqu’un de plus en plus désespéré à élucider le mystère pour arrêter les meurtres. Donc la révélation nous dit que Blossem s’est investi au-delà de la raison dans une investigation au dépend de sa vie, familiale et professionnelle, puisqu’il va interroger des collègues flics, pour une série de meurtres dont il pense que les victimes ont eu ce qu’elles méritaient et où il sait presque dès le début qui est le tueur.
 
Vous avez bien compris que, dans mon pas si humble avis, le twist ne fonctionne pas scénaristiquement. Le vrai problème est qu'il ne fonctionne pas thématiquement non plus On nous présente Haven comme quelqu’un qui semble en guerre contre la mortalité elle-même. Son quotidien, c’est d’aller sur le Golden Bridge pour empêcher des gens de se suicider et elle leur donne même son numéro pour qu’ils aient une personne à qui parler quand ça va vraiment mal et de leur offrir compréhension et empathie. Je suis désolé mais ça rentre un peu en conflit avec le fait de couper les tendons d’Achille d’adolescents (oui les victimes ont vingt ans maximum) sur les rails alors qu’ils sont conscients, complètement impuissants, quand ils s’apprêtent à rouler une pelle à un train. De plus dans l’antépénultième épisode, Haven apprend qu’un membre du groupe de soutien a indirectement causé la fusillade car il a sorti son arme après qu’un agresseur ait fracassé le crane de sa fiancée. Déjà, Haven lui dit qu’il est un monstre pour avoir fait ça alors que, je le rappelle, elle paralyse des gens sur des voies ferrées pour se venger. Ensuite, cette personne incapable de vivre avec le deuil se suicide devant Haven et le fait qu’elle n’a pas été capable d’essayer de l’en empêcher la traumatise profondément et la rend presque catatonique… Alors que forcer les responsables de la fusillade à se suicider est ce qu’elle a fait avant le début de l’histoire et pendant toute celle-ci. Des meurtres qu’elle commet, sans une once de remord, et dont elle arrête complètement de penser quelques minutes après qu’ils soient commis. En plus, dans le dernier épisode, on apprend que Haven a été au téléphone avec chacune de ses victimes et qu’elle leur a parlé jusqu’à ce que le train les percute et c’est traité avec la même empathie dont elle fait preuve avec les gens suicidaires qu’elle a accompagné plutôt que par pur sadisme. Et c’est pareil pour Blossem : dans toute la partie investigation, on présente les victimes comme des adolescents qui ont fait un connerie et qui ont eux-aussi une famille qui tient à eux. Dans l’antépénultième épisode, Blossem arrête le dernier responsable et la narration mentionne assez clairement que Blossem arrive à se connecter avec celui-ci et même à éprouver de la sympathie…Tellement de sympathie qu’il le laisse sortir de prison pour que Haven le tue. Et tout ce travail pour humaniser les responsables de la fusillade ne sert à rien si la conclusion au final c’est « en fait, ils méritaient tous de se prendre une locomotive ».
 
Et vous savez le pire ? Je suis sûr que c’était prévu depuis le début ce twist. C’est dans le titre : Le Saint Patron des suicides. Haven est ce Saint Patron puisqu’elle aide celles et ceux qui ne devraient pas se suicider mais force ceux qui devraient le faire. Néanmoins ça ne fonctionne pas du tout avec le reste de l’histoire. Il est mentionné à plusieurs moments qu’il n’y a pas réellement de Saint Patron des suicides et que souvent c’est le Saint Patron de la folie Saint Dymphna qui est utilisé à la place. Et si Haven sauve des gens, la comparaison fait sens car Saint Dymphna est une figure qui apporte guérison… Mais quelle guérison est compatible avec le fait d’attacher des gens sur des rails comme un méchant de cartoon ?!
 

Conclusion, ou essayer de faire sens de la colère.

 
Ce que j’ai essayé de prouver avec cet article est à quel point je suis passé de vraiment aimer un podcast à complètement le haïr. C’est ça tout le risque d’un mauvais twist, ou d’une mauvaise conclusion en général. Si tout ce qui vient avant était de qualité, alors on est émotionnellement investi dans une œuvre et un retournement de situation catastrophique peut être ressenti comme une trahison et nous faire regretter de nous être ouvert·e à celle-ci. C’est un peu comme aller régulièrement chez un psy pour qu’il vous annonce qu’en fait, pendant tout ce temps, il couchait avec votre femme. Néanmoins, au-delà de cette métaphore, et de cet article, je suis sûr qu’il y a cette conclusion que vous avez adoré. Pour moi par exemple il s’agit des fins de Persona 3, 4 et 5. Et il y aussi celles que vous avez haïs. Les deux en disent beaucoup, je pense, sur ce qui vous plaît et touche dans une histoire. Donc en l’honneur de cette zone spoiler que j’ai ouverte je vous encourage à vous griller un marshmallow et partager quelques conclusions qui vous ont marqués, en bien ou en mal, pour qu’on en discute ensemble. Et la très sympathique propriétaire légitime de ce blog aurait pu, bien sûr, participer, si elle était physiquement capable de divulgâcher quoi que ce soit. En attendant, au revoir très cher·e·s lecteur·ice·s 
 
Percival Artemis Manning
 
Après des années de travail, Percy Manning a écrit le script de son propre podcast en trois saison. C'est une tragédie d'horreur nommée Blutunasche que Percy a hâte de partager...mais Maxxie, puisque après tout la zone spoiler est ouverte, a décidé d'utiliser ses super-pouvoirs d'éditions pour révéler que la conclusion du podcast est la mort du personnage principal des mains de son amant rendant l'opération entière vaine.

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10 commentaires

  1. Ah, le twist final, il faut effectivement qu'il soit à la hauteur...À mes yeux, l'un des maîtres du genre, c'est Shyamalan 😍

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    1. Sixième Sens est en effet un excellent exemple d'un twist qui marche. Incassable offre aussi une très bonne fin qui complémente les thèmes du film. Après je suis plus partagé et moins fan du reste de la filmographie de Shyamalan.

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  2. Alors je viens de tout découvrir mdr et pas certaine de me rappeler de tout xD
    C'est super intéressant par contre !

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    1. La clef pour imposer son avis : parler de trucs que seul moi connait.
      Plus sérieusement, je voulais parler des twists et des conclusions en général et le problème de ce sujet, c'est qu'on spoile. En parlant de quelque chose que les gens ne connaissent pas, il n'y a pas l'investissement et ça contourne le problème.

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  3. Article super intéressant !

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  4. Très intéressant, j'ai beaucoup aimé lire ton article, bien qu'il soit long.
    J'avoue que trouver un twist, là... J'ai tendance à vouloir les effacer de ma mémoire pour pouvoir le redécouvrir plus tard. Mais je crois bien que "Le meurtre de Roger Ackroyd" me restera toujours en tête - une réussite !

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    1. Effacer les twists peut-être une stratégie intéressante en effet. Une que je n'ai malheureusement jamais réussi à employer. Après j'ai mentionné "Le Meurtre de Roger Accroyd" car il s'agit pour moi d'un bon exemple d'un roman policier où le narrateur est le tueur pour contraster avec ce dont je parle.
      Content en tout cas que l'article fut apprécié.

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  5. Ah, je compatis tellement ! Le twist (qui normalement ne se place qu'à la fin mais comme dit, il y a de bonnes exceptions qui viennent tordre un peu la règle) est un art subtil et complexe, qui demande beaucoup de rigueur dans sa construction et qui peut nuire tout le développement d'une oeuvre si mal orchestré ou illogique.

    En tout cas ça m'a donné envie de revoir Knives Out, qui m'a marqué à un point que j'avais presque oublié !

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  6. J'adore, je me note ça pour le relire plus tard, ça pourrait m'être utile ^^ Merci beaucoup pour cet article si travaillé ! Et on est d'accord, Knives Out est un super film.
    Pour l'instant, le twist qui m'a le plus marquée reste celui dans la série The Haunting of Hill House, à propos d'un des fantômes de la maison <3 Tu connais ? :3

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    1. On est en effet d'accord que Knives Out est un très bon film.
      Je connais de nom mais je n'ai pas encore pris le temps de regarder la série. Je suppose que je vais devoir la rajouter à ma liste interminable de "À voir".

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Le portrait est un dessin de Lise, merci beaucoup ♥